Le don est partout, ”Les Dieux sont aussi dans la cuisine” (Héraclite)

      Karen Blixen a soigné, autant qu’elle le pouvait, les habitants de sa ferme. Parmi eux se trouvait un jeune garçon aux jambes couvertes de plaies : Kamante. Une fois guéri, il est devenu son cuisinier.

Ce que j’aime, dans la manière dont Blixen relate cette histoire, c’est la révélation inattendue que la cuisine opère. Elle y voit, et nous fait voir, le surgissement d’un don, presque inexplicable. Cela m’a rappelé ce que j’ai pu observer, d’une autre manière, en classe, lorsque je demandais à mes élèves de prendre la parole en public sur un sujet qui leur tenait à cœur.

Selon le projet ou la consigne, un élève pouvait véritablement surprendre, et révéler un don oratoire insoupçonné. Le don est partout, il surgit à l’improviste, comme un feu allumé par le hasard : à nous de le repérer, de l’encourager, de l’aider à croître. C’est une augmentation de vie, une joie sans mélange que d’y participer.

Hélas, le chemin reste plus ardu pour certains : le jeu est parfois verrouillé, les règles non partagées, les portes étroites. Absurde clôture du temple, qui conduit, ironie cruelle, à l’effondrement du temple lui-même.

Mais réjouissons-nous, car nous connaissons la formule d’Héraclite, rapportée par Aristote dans Parties des Animaux :
Les dieux sont partout — aussi, et peut-être surtout, dans la cuisine.

Et toc !

“Mais tout cela n’était rien, c’est la cuisine qui nous a révélé Kamante : comme chef il était incomparable. Il semblait que pour lui, contrairement à ses habitudes, la nature eût fait un bond et bousculé les limites ordinaires en ne lui mesurant pas les dons. C’était un de ces cas mystérieux, inexplicables comme le génie.”
La Ferme africaine, Gallimard, Folio, p.56

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“dépaysés à la manière des Français que l’on sent partout exilés”.