Accueillir l’Automne, “ma saison mentale” disait Apollinaire

Esquisse d’une anthologie pour accompagner cet automne, ou quelques textes que j’aime et que j’ai envie de transmettre.

La voici dans sa version chronologique :

Alfred de Vigny

Le Cor

1825

Le Cor d’Alfred de Vigny parce que mon grand-père, Abel, me récitait ce poème - qu’il avait appris à l’école- quand l’automne et la saison de la chasse survenaient. Il aimait les premiers vers, et me les a transmis ; j’y pense aussi quand les jours sentent la terre mouillée, l’humus frais.

 

Le Cor

J’aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

 

Paul Verlaine

Chanson d’automne

1866

Bien sûr, la “Chanson d’automne'“ de Verlaine pour être comme une feuille qui se balance dans l’air, tombe en pluie d’or sur le sol.

On peut écouter et regarder Léo Ferré la chanter : https://youtu.be/_iq43Vs8CEw?si=wv62x3tabGvKDHZt

Et Georges Brassens : https://youtu.be/D-g-7eNmxSU?si=UKJV2Ghoa3Lf6-z_

 

Les sanglots longs

Des violons

De l'automne

Blessent mon cœur

D'une langueur

Monotone.

Tout suffocant

Et blême, quand

Sonne l'heure,

Je me souviens

Des jours anciens

Et je pleure

Et je m'en vais

Au vent mauvais

Qui m'emporte

Deçà, delà,

Pareil à la

Feuille morte

 

L’interprétation de Jacques Higelin est aussi à écouter, notamment pour la résonance mélancolique de l’instrumentation : https://youtu.be/BRhm3w4ki_4?si=WWRknnd4IxaXsgOd

 

 

Guillaume Apollinaire

Automne malade (extrait d’Alcools)

1913

Apollinaire a beaucoup écrit sur l’automne, mais je retiens en particulier cette pièce : « Automne malade », c’est tellement lui, sa poésie, les sons, les rumeurs, et déjà l’esquisse en blanc et noir de l’hiver.

Automne malade

Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé

Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé

Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille

                                           Les feuilles
                                          Qu’on foule
                                         Un train
                                        Qui roule
                                        La vie
                                       S’écoule

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

Et puis, cette pièce, extraite du même recueil, dans laquelle il parle de l’automne comme [s]a “saison mentale,

Signe

 

Je suis soumis au Chef du Signe de l’Automne
Partant j’aime les fruits je déteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs

Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
Les mains des amantes d’antan jonchent ton sol
Une épouse me suit c’est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol

 

Jean Follain

Pensées d’octobre

Années 1940-50

J’ai découvert ce poète dans une édition bilingue américaine, grâce à des amis ( Transparence of the world, Copper Canyon Press).

 Pensées d’octobre

On aime bien
ce grand vin
que l’on boit solitaire
quand le soir illumine les collines cuivrées
plus un chasseur n’ajuste
les gibiers de la plaine
les sœurs de nos amis
apparaissent les plus belles
il y a pourtant menace de guerre
un insecte s’arrête
puis repart.

Pierre Louki

Le cœur à l’automne

vers 1960-70

 Et un joli texte de Pierre Louki sur une musique de Georges Brassens, « Le cœur à l’automne ». J’aime bien quand Pierre Louki la chante car il allie légèreté, finesse dans l’écriture, « il vit naturellement en scène » (Brassens commente : « parce qu’il est naturel ! ») : https://youtu.be/xv52YYq18-M?si=Fa7m-zwL5INyEmHf

 

Le cœur à l’automne

Quand la musique entra chez moi
Que nul ne s'étonne
J'avais, ça m'arrive parfois
Le cœur à l'automne

C'était un air en demi-teinte
Mi-joie et moitié plainte
Je lui ai dit "Le temps est fou
Le vent du dehors vous chiffonne
Étendez-vous donc sur mon magnétophone
Et reposez-vous"

Je n'avais ouï de longtemps
Musique pareille
Je n'en croyais, en l'écoutant
Mes grandes oreilles

Elle me dit "J'ai quitté mon maître
Un saut par la fenêtre
Il me gardait depuis cinq ans
En me promettant des paroles
J'étais nue et nue, ça n'est pas toujours drôle
J'ai foutu le camp"

Moi qui suis un peu parolier
Jugez de l'aubaine
"Je peux", dis-je, "vous habiller
Oubliez vos peines

Je sais les mots faits pour vous plaire
Et j'ai deux dictionnaires"
Elle répondit "Va pour l'essai
Vous me paraissez brave type
Lui aussi l'était, mais il fumait la pipe
Ça m'faisait tousser"

Et la mélodie envolée
D'une autre guitare
Avec mes mots s'est installée
Dans mon répertoire

Et bien que je sois sans moustaches
À moi elle s'attache
Et les soirs où je me sens vieux
Lorsque j'ai le cœur à l'automne
Elle insiste un peu pour que je la chantonne
Alors ça va mieux

William Sheller

Chanson d’automne

1975

 Dans une tonalité proche du poème de Verlaine quant à l’humeur des mots, la délicate et tendre chanson d’automne de William Sheller : « si le mauvais sort te blackboule hors du jeu/ N’oublie pas qu’on est deux ».

https://youtu.be/3TeDTDZWbxE?si=fcFYDjbzhQoLMTR6

« Chanson d'automne »

C’est une chanson pour l’automne
Pour les jours où y a personne
Quand la ville est sous la pluie
C’est une chanson que j’ te donne
Tu jettes ou tu la fredonnes
Elle me servira aussi

{Refrain:}
Si tu n’aimes pas trop la foule
Si parfois comme moi
La vie te soûle un peu
Si tu te sens roulé en boule
Ou si le mauvais sort te blackboule hors du jeu
N’oublie pas qu’on est deux

C’est une chanson qui consume
Les petits malheurs qu’on s’exhume
Qu’on est tout seul à savoir
Quand on partage à la brune
La solitude de la lune
Devant son grand écran noir

{au Refrain}

C’est une chanson que j’ te donne
Comme un gilet qu’on boutonne
Pour se réchauffer la vie,
J’t’ai tout dit.

 

Francis Cabrel

Octobre

1994

Cabrel, « Octobre » : https://youtu.be/7qDGJqOfI14?si=VjHrA6sLq4m21P_j

Il paraît que cela ne fait pas très branché d’aimer Cabrel, bah… je m’en fous. J’adore ses chansons, et celle-là en particulier.

 

Jean René

L’automne est là

Années 1990-2000

 Jean René, « L’automne est là »

https://youtu.be/4jIc9PmrEkI?si=KhgDl9BontLyu4Aud

Toute simple, la poésie de Jean René.

Les CowBoys Fringants

Toune d’automne

2002

https://youtu.be/boK-TEe2_sA?si=YFC_aMTjOCtoRHj0

Une jolie découverte : Les CowBoys Fringants, « Toune d’automne »,

Anyway j’suis content

Que tu r’viennes

T’arrives en même temps qu’ l’automne 

Paroles : JF Pauzé / Musique : JF Pauzé et Marie-Annick Lépine,

Et puis, l’une des toutes premières chansons que j’ai apprises dans les petites classes de la primaire : https://youtu.be/F4yqjY4DdX8?si=lwQIklUY53_YjYKE

Colchiques dans les prés,

Si joli : «et ce chant dans mon cœur »

La feuille d'automne emportée par le vent

En ronde monotone tombe en tourbillonnant

Elisabeth

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