Ma langue maternelle roule, tangue fièrement

On nous parle du français, de “la belle langue française”, et je fais de même. Je me dis professeur de français, et je me surprends à prêcher pour “la défense et illustration de la langue française”, en  toute naïveté. Pourtant, je me souviens avoir très tôt baigné, navigué entre deux états de ma langue maternelle. Celui parlé à la maison par des parents passés par des études supérieures, donc enclins à oublier leur accent premier. Celui parlé par les enfants de mon école maternelle et primaire : les “il est cabour !”, les “macarel” et autres “Elisabé, tu fais quel âge aujourd’hui ?”.  Quelle chance ! Je n’ai pas été prise en charge par quelque nounou anglaise de bon aloi, mais j’ai bien le sentiment d’avoir connu deux façons très différentes d’habiter et transmettre ma langue. 

J’aime aujourd’hui écouter parler la danseuse Dorothée Gilbert car elle mêle les deux états : un phrasé fluide, un vocabulaire précis et une façon ronde de prononcer les mots qui va au-delà de l’accent. Je n’avais guère besoin qu’elle précise ses origines toulousaines : tout était là dans cette élégance solaire, dans cette gaieté de la parole qui se souvient d’être passionnément occitane !

J’aime à penser que ma pratique du français et ce que je veux transmettre sont bien porteurs de cette touche différente, de cet enracinement dans des terres calcaires. Le son [R] est volontiers râpeux, le [O] très souvent ouvert, et les finales [é] toujours bien fermées. Je ne pourrai pas faire autrement. C’est un hommage aux troubadours des temps anciens et nouveaux, au jeune Francis Cabrel qui ne peut modifier sa prononciation d’un “ciel aussi joli que des milliers de roses”. Ce rose ouvert est celui d’un français ancien qui vient colorer notre langue, pour le meilleur ! Qu’on se le dise…

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Des articles écrits au fil des jours pour accompagner et inspirer le travail linguistique

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